Chez nous, dans la Creuse, les opérations coup de poing des nervis de la FNSEA sont regardés avec indifférence par nos paysans. Et souvent avec hostilité. Même quand, pour des raisons pratiques diverses, ils prennent leur carte de ce qui est un groupe de pression plutôt qu'une organisation syndicale.
En fait, les experts de la chose vous le diront, la FNSEA est entre les mains de riches, voire de très riches céréaliers. Ils ont amassé des fortunes en subventions, nationales et européennes, et maintenant ils gèrent leur magot en faisant de temps à autre descendre la piétaille dans les places des villes, avec leurs beaux tracteurs et leurs tonnes de fumier.
Dans le Limousin nous élevons surtout des bovins et l'on sème de préférence des produits destinés à cet élevage d'animaux de boucherie. Récemment encore on semait aussi du blé que l'on échangeait contre du pain avec un boulanger du canton. Désormais le principal problème auquel sont confrontés les pauvres régions non céréalières, est la concentration des terres, que les héritiers citadins des vieux éleveurs cèdent en fermage.
Chez moi, par exemple, là où il y a encore 40 ans, une dizaine d'éleveurs travaillaient sur deux hameaux. Il n'y en a plus, désormais, qu'un seul, qui exploite 300 à 350 ha avec son jeune fils, lauréat d'un lycée agricole. L'inquiétude dans les villages est moins l'utilisation de pesticides, que la destruction systématique de haies et des arbres afin d'ouvrir le passage aux grosses machines. Une atteinte à la nature et, surtout, à la grande variété d'oiseaux qui sont la joie des creusois. Le productivisme nous atteint aussi...
Une fois n'est pas coutume: je me surprends moi-même à parler, en profane, d'agriculture. Résultat d'un coup de sang devant le comportement brutal et primaire des casseurs envoyés, ce matin, par les maîtres de la FNSEA pour enlaidir Paris et écoeurer les étrangers qui nous visitent.
Antoine Blanca