Les Tunisiens sont allés voter en masse. Et nous avons de bonnes raisons de penser que le scrutin du premier tour a été honnêtement conduit. Un bon exemple pour le reste de l'Afrique de Nord, en incluant la Libye. Même s'il convient d'attendre le tour définitif, pour Noël, nous pouvons d'ores et déjà tirer quelques enseignements des résultats.
Car si tout donne à penser que M.Essebsi sera le prochain chef de l'Etat, les observateurs impartiaux sont en droit de se demander comment, une révolution populaire, à l'avant-garde de laquelle se trouvait le jeunesse, va accoucher d'un vétéran de 87 ans.
Tout en admirant l'énergie et l'optimisme dont ce vieillard fait preuve, des explications me viennent à l'esprit:
1) la majorité des électeurs croient aux vertus de l'expérience. Ils ne veulent plus de décisions aventureuses prises sous la pression du moment. Le passé d'Essebsi est de nature à apaiser les plus inquiets. Ancien ministre de Bourguiba, il ne s'est pas rallié (comme le prétend imprudemment une certaine presse) à Ben Ali. Mais il a accepté de présider une Constituante laquelle, pensait-il, pouvait seule assurer une transition paisible. Tirant les leçons de son erreur d'appréciation, il s'est mis en réserve de la République. Attitude peu glorieuse, qu'il faut situer dans son contexte historique.
2) Son concurrent pour le 2e tour, le sortant Merzouki, un homme intègre, bon musulman, est connu aussi, selon mes sources, pour être un caractériel.
3) Les électeurs soulignent enfin que la Constitution donne des pouvoirs limités au Chef de l'Etat. Une nouvelle majorité parlementaire est négociable, dans laquelle la gauche (Front populaire), pourrait trouver sa place.
Les faits à venir nous diront si la prudence du vote tunisien se trouve justifiée.
Antoine Blanca