Leur succès avait été anticipé. Par tous les sondages, mais aussi par les résultats surprenants des listes liées à PODEMOS et à CIUDADANOS aux récentes consultations locales et régionales. Depuis plusieurs mois, par exemple, les deux plus grandes villes du pays, Madrid et Barcelone, ont à leur tête des maires, des femmes précisément, issues du premier de ces jeunes mouvements. Dimanche la droite au pouvoir a perdu 63 des 186 députés qui lui avaient assuré une majorité de gouvernement solide ces 4 dernières années. L'autre grande force politique, le PSOE de Felipe Gonzalez et de Zapatero, n'a guère profité de ce qui aurait pu être une cure d'opposition: elle perd 20 sièges aux Cortés tombant de 110 à 90. Quant aux différentes composantes du parti d'Iglesias (69 élus), et aux libéraux modernistes d'Albert Rivera(40), ils occupent désormais la 3e et la 4e position dans l'échiquier politique du pays.
Conséquence de ces résultats: l'Espagne est apparemment ingouvernable. Mariano Rajoy va se voir confier la mission (quasi)impossible de former un gouvernement. Or la seule majorité arithmétique supposerait qu'une alliance soit conclue entre socialistes et conservateurs. Ce qui n'est vraiment pas dans la culture du pays.
Dans la presse internationale on s'attarde sur le phénomène "podemos"*, avec son jeune leader au franc sourire. Sa fragilité réside dans le caractère hétéroclite des groupes, nationaux et régionaux, que le prof à la queue de cheval est parvenu à fédérer jusqu'ici. Quand Tsipras l'avait emporté en Grèce, ce dernier s'était précipité à Athènes pour féliciter Syriza de sa victoire...mais ne paraît pas avoir tiré les leçons de la longue couleuvre que ses camarades ont dû ensuite avaler pour pouvoir gouverner.
La constitution espagnole dispose que si, dans 2 mois, aucune majorité de gouvernement n'est possible, les citoyens seront appelés à retourner aux urnes...
Antoine Blanca
* Quelques observations complémentaires: 1) le parti libéral moderniste du catalan Rivera, n'a pas obtenu le résultat ambitieux auquel son fondateur aspirait 2) contrairement à ce qui vient de se passer à la chambre basse, le Sénat conserve une majorité de droite traditionnelle avec, aussi, un parti socialiste renforcé (8 sénateurs supplémentaires) 3) les partis indépendantistes ont en bonne part perdu leur hégémonie en Catalogne.