J'avais du mal à en croire mes oreilles : même si Mélenchon aime à pratiquer le paradoxe, sans retenue, sa revendication à
être nommé Premier Ministre est abracadabrantesque. D'une part parce que cela va à l'encontre de son verbe violemment anti-gouvernemental, mais surtout parce que son hypothétique
désignation à la tête de Matignon impliquerait son acceptation, inévitable, d'un contexte européen, économique, financier et politique qu'il perçoit comme inacceptable*. Commment se libérerait-il
de ces réalités contraignantes.
A une telle objection il répondra qu'il suffit de manifester la volonté de s'en libérer. Volontarisme pour détruire le mur
des engagements d'Etat. Des réalités.
Facile à dire. Impossible à faire. Hollande a le courage d'affronter avec lucidité et détermination tous les obstacles. Ceux dressés par la grande majorité de nos partenaires européens, à commencer par le principal d'entre eux, à savoir l'Allemagne. Il sait qu'on ne surmonte pas les difficultés en les niant. Il a choisi d'expliquer inlassablement la signification et la portée de ses choix. Il agit en fonction des moyens dont il dispose, non de ceux dont il souhaiterait pouvoir disposer.
Obstacles aussi dressés par une presse nationale et internationale qui déteste les socialistes**, caricature sans vergogne
leur politique, tente de participer au blocus anti-français qui se dessine. La peur de la contagion de gauche, dans les élections qui vont se tenir dans les deux ans dans nombre de pays membre de
l'Union.
Enfin, obstacles venus d'une certaine gauche française. Et mon propos va au-delà du seul 'parti de gauche' et du Front qu'il a constitué avec le PCF. En effet quelques députés socialistes, se prétendant plus vertueux que les autres, avant tout anti-européens (il faut le rappeler car ce combat négatif est déjà ancien***), multiplient leurs déclarations hostiles à leur propre parti.
C'est dire que le calme démontré par le Président est méritoire. L'immense majorité estime lui devoir loyauté sincère en retour. Les interrogations sont légitimes. Mais une fois l'éclairage donné, on est en droit d'espérer que les militants se feront à leur tour les avocats du gouvernement qu'ils ont voulu.
Il n'y a pas de solution intermédiaire : ou on soutient le gouvernement de gauche actuel, ou en passe à droite avec armes
et bagages.
Antoine Blanca
* Jean-Luc Mélenchon sait bien tout cela. Il a été militant PS de 1978 à 2006, et même, pendant cinq ans, membre du gouvernement Jospin.
** Cette grande presse aux mains des puissances de l'argent (Londres, Francfort,, New-York...), craint surtout un retour significatif de la social-démocratie en Europe. La présidence Hollande est une sorte d'avant-garde qui suscite toutes les peurs, comme si elle annonçait la révolution bolchévique...
*** ces militants PS sont les survivants du groupe qui avait
voté contre Maastricht.