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31 mars 2010 3 31 /03 /mars /2010 10:34

Ne nous plaignons de ce que la mariée soit trop belle: que les citoyens irakiens aient pu se rendre aux urnes et exprimer leur choix parmi un grand nombre de listes, constitue en soi un succès porteur d'espoir. Comme on s'y attendait, la transparence du suffrage n'a pas été totale, de nombreuses candidatures ont été arbitrairement refusées et le gouvernement en place n'a pas manqué d'utiliser ses pouvoirs à son  propre avantage.

Mais les observateurs indépendants se disent plutôt satisfaits. Et le parti du Premier ministre a même été devancé par un concurrent .

Un parti plus "laïc", disent les commentateurs spécialisés. Sans que l'on sache vraiment ce qu'ils entendent par là.

Tout reste fragilee comme du cristal. Une majorité parlementaire  stable devra être négociée entre les nouveaux élus. Et cela ne pourra être réalisé qu'en faisant la part belle aux 50 députés des trois partis kurdes représentés à l'assemblée. Bras de fer musclé en perspective. Surtout que le délimitation du territoire du Kurdistan autonome n'est pas chose acquise et reconnue. Et que le conflit est permanent autour de l'une des capitales du pétrole qu'Arabes et Kurdes revendiquent avec la même force.

Le pétrole! Son odeur est partout quand on parle de l'Irak. Le gouvernement sortant avait décidé d'ouvrir aux grands compagnies étrangères l'exploitation et la prospection de l'or noir. Il s'agit avant tout de retrouver, voire de dépasser, les chiffres de la production d'avant 1990, date de la première guerre des Bush. Un impératif si l'on veut financer la reconstruction d'un pays ravagé.

Mais pourquoi renoncer à la souveraineté du peuple irakien sur la principale richesse de leur sous-sol? Sans doute parce que cela a été l'un des objectifs d'Américains et Britanniques quand ils ont déclenché les opérations?! Les grandes compagnies pétrolières seront une fois encore les grandes bénéficiaires d'une épreuve douloureuse. Pour les autochtones bien entendu.

Le souci majeur pour la communauté internationale, incarnée par l'ONU, demeure la préservation de l'homogénéité d'un pays (l'ancienne Mésopotamie), créé de toutes pièces par la puissance tutélaire du Royaume Uni, sur les décombres de l'ancien empire ottoman, au lendemain de notre Grande Guerre. Le seul facteur d'unité est ethnique et lingüistique. Peuplé d'Arabes, parlant l'Arabe. Mais les Kurdes, regroupés dans le nord, à la frontière de la Turquie (vaste zone peuplée aussi de Kurdes), sont attachés à leur propre langue et et à leur civilisation. Et ils sont aujourd'hui, dans la pratique, indépendants. Musulmans sunnites, dans leur grande majorité, ils ruminent un vieux contentieux avec le pouvoir central, quelle que soit sa forme. Et espèrent que le pétrole de Kirkuk sera inclus dans leur patrimoine...

Quant aux divisions religieuses, elles sont profondes, entre les 60% de chiites et les 25% de sunnites. Ces derniers avaient fini par se persuader, même avant Saddam, que l'exercice du pouvoir leur revenait naturellement. Vont-ils se résigner au rôle de figurants qui leur est promis par la démocratie électorale? Enfin la petite minorité de chrétiens, que les ba'assistes(1) avaient protégé, ne va- t-elle pas se sentir exposée à l'inavouable progrom qui menace désormais les Coptes d'Egypte?

Rien n'est donc réglé pour l'avenir. Même si, et c'est appréciable, l'expression du vote populaire, pour imparfaite qu'elle ait été, trace une voie vers une éventuelle solution pacifique du drame irakien.

Bagdad a été, sous le Califat abbasside, la capitale du monde musulman. Elle peut un jour ressuciter comme une lumière d'espérance pour tout le Moyen Orient.

Nous aimerions sincèrement pouvoir le croire.


Antoine Blanca


 1) le Ba'as, parti socialiste et nationaliste arabe gouvernait l'Irak sous Saddam, et gouverne toujours la Syrie. L'un de ses fondateurs et théoricien du mouvement était chrétien.

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  • : Blog politique dans le sens le plus étendu:l'auteur a une longue expérience diplomatique (ambassadeur de France à 4 reprises, il a aussi été le plus haut dirigeant de l'ONU après le S.G. En outre, depuis sa jeunesse il a été un socialiste actif et participé à la direction de son mouvement de jeunesse, du Parti et de la FGDS. Pendant plusieurs années il a été directeur de la rédaction de "Communes et régions de France et collaborateur bénévole de quotidiens et revues. Il met aujourd'hui son expér
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