4 octobre 2011
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De l'Egypte, le plus peuplé des pays arabes libérés par un mouvement populaire, on parle désormais peu, et mal. Les medias rapportent, de temps à autre, une nouvelle manifestation sur
l'historique place Tahrir, mais sans préciser davantage les raisons de cette nouvelle agitation revendicatrice. A dire vrai l'avenir du pays est encore en négociation, entre le Conseil des Forces
Armées et les délégués de la révolution démocratique. Essentiellement les laïcs, puisque les Frères musulmans se sentent assez forts pour conduire leurs propres négociations: les Etats-Unis les
considèrent (et le leur ont fait savoir) comme une puissance incontournable et cela suffit à imposer le respect à tous...
Les négociations seront longues, tant les militaires sont désireux de gagner du temps pour gagner, à terme, du pouvoir.
C'est dans le domaine de la presse, et des medias en général, que les choses vont le plus vite. D'abord parce que les grands organes d'information, hier encore aux ordres du régime déchu, ont
tous retourné brutalement leur veste démodée (1). Au point que certains révolutionnaires se disent gênés en se voyant ainsi encensés sans mesure par les mêmes qui voulaient les envoyer à la
potence. Ensuite parce que les écrivains, les dramaturges, les acteurs, n'ont pas attendu une nouvelle législation pour libérer leur plume et leur parole. Une nouvelle chaîne de TV, la 25 (pour
rappeler le 25 janvier, date du début du mouvement émancipateur), produite et animée par une équipe de jeunes, réalise des émissions politiques originales, ouvertes à tous les courants de pensée,
même aux obscurantistes du salafisme.
Tout le monde espère que le temps de la censure, qui utilisait souvent des prétextes religieux pour sévir, aura bientôt complétement disparu. Moubarak avait ainsi fait interdire "Zorba le Grec",
de Kazantzàkis et "l'insoutenable légèreté de l'être" de Kundera. Mais aussi un ouvrage de BD qui se moquait de la corruption au quotidien, au prétexte qu'il montrait une femme nue. On avait
aussi remonté le temps en interdisant les oeuvres du penseur soufi andalou Ibn Arabi (1165-1240) et un groupe d'avocats illuminés avait déposé plainte pour faire interdire "les Mille et une
nuits" pour incitation au vice et au péché ! Enfin n'oublions pas que l'oeuvre 'le fils de la médina" du seul Prix Nobel arabe de littérature, Naguib Mahfouz, avait été censurée
et l'auteur lui-même attaqué et blessé par arme blanche.
Ce passé est-il, vraiment, définitivement, passé? Nous voudrions tous en être certains. La solidarité internationale ne doit pas baisser la garde.
Antoine Blanca
1- ils attendirent cependant le départ de Moubarak et de sa famille pour Charm-el-Cheikh...
Antoine Blanca