24 juillet 2011
7
24
/07
/juillet
/2011
15:28
Depuis une bonne décennie les romans policiers venus du nord de l'Europe ont connu un essor extraordinaire. Le sujet central de "Millénium" frôle de très près la tragédie que l'on vient de vivre
dans l'île de Utoeya, avec le massacre de jeunes militants travaillistes, et dans le quartier des ministères d'Oslo. Non que l'auteur suédois des trois romans de la série, Stieg Larsson, ait
évoqué un massacre à l'arme automatique lourde, ou (et?) le sinistre exploit d'un nouvel Unabomber, mais parce que le thème de Millénium tournait autour de la survivance des idées néo-nazies avec
leur cortège de massacres.
Les autres polars scandinaves sont plus classiques. Des commissaires taciturnes y vivent mal une nouvelle société dans laquelle ils éprouvent de la difficulté à se reconnaître; et les personnages
périphériques sont représentatifs du monde hivernal dans lequel ils se voient contraints d' évoluer. Ces oeuvres littéraires de qualité, qui tiennent le lecteur en haleine ( sans courtiser pour
autant la facilité propre à la plupart des thrillers anglo-saxons), nous pousseraient davantage à l'acte désespéré individuel qu'au massacre des Saints Innocents. Le tueur du 22 juillet, Anders
Behring Brelvik, ne devait pas être un lecteur d'Henning Mankell (Suédois) ou de Junnar Staalesen (Norvégien). C'était plutôt un accumulateur de haine à doses chaque jour plus massives, à l'image
des produits chimiques qu'il avait mis des années à réunir pour fabriquer, de manière artisanale, une bombe destructrice surpuissante.
La haine se concentrait chez le multiassassin, nous dit-on, sur les musulmans (c'est la mode) et contre les marxistes. Je suppose que dans son esprit tordu les jeunes travaillistes incarnaient
les deux "maux": les Norvégiens issus de l'immigration, Turcs notamment, sont enclins à soutenir ouvertement les socialistes; et ces derniers sont toujours vus par la droite comme les héritiers
du marxisme.
Quoi qu'il en soit, voilà le pays créateur du Prix Nobel de la Paix et l'un des grands fondateurs de l'ONU (le premier Secrétaire général, Trygve Lie, était un grand dirigeant travailliste
norvégien) devenu le théâtre de l'un des plus cruels massacres de notre temps.
Antoine Blanca
Antoine Blanca