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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 10:06

A propos du Salvador, j'évoquais dans mon article d'hier l'assassinat de l'Archevêque Oscar Romero(mars 80) après celui de trois prêtres jésuites (mars 77), dans ce même petit pays. Dans cette tragédie les tueurs s'étaient identifiés eux-mêmes: les "escadrons de la mort" financés par l'extrême droite. Et même par la droite tout court. Ce prélats et ces prêtres martyrs s'étaient finalement reconnus(1) dans "la théologie de la libération", le remarquable courant catholique qui avait été prêché pour la première fois par le Dominicain Gustavo Gutiérrez (au congrès de la CELAM à Medellin, Colombie, en 1968), un péruvien qui voulait que l'Eglise lutte aux côtés des pauvres et des déshérités, des persécutés par les puissants de la terre et de l'argent. Un autre prélat célèbre, Dom Helder Camara, défendait la même thèse sur le terrain dans le Nord-Est brésilien, région potentiellement riche, mais où le désespoir de la misère, l'exploitation la plus primitive, avaient conduit une bonne partie de la population à l'exil intérieur. Les parents du futur Président Luiz Inàcio Lula da Silva, avaient ainsi quitté leur terre natale pour le prospère Etat de Saõ Paulo. Lula entra dans la vie active à l'âge de 11ans, exerçant divers petits boulots (cireur de chaussures par exemple), avant de devenir métallurgiste et leader syndicaliste. Son militantisme fut d'abord chrétien, très marqué par la prédication de la théologie de la libération.

Cette démarche à la fois spirituelle et temporelle a été, depuis, condamnée de facto par le Saint-Siège. Si le procès en vue de la béatification de Mgr Romero suit son cours, Benoît XVI a pris soin de conditionner son aboutissement à l'exclusion de toute référence à l'engagement social du potentiel béatifié. Bref, le théologie de la libération n'est pas en odeur de sainteté. J'étais ambassadeur de France au Pérou quand le Père Gustavo Gutierrez, mon ami, fondateur de la théologie libérationniste, fut définitivement écarté de toute participation à la vie pastorale. On lui intima l'ordre de prendre une retraite méritée cloîtré dans un monastère près de Lyon(2). De fait l'Eglise catholique péruvienne était largement passée sous la coupe de l'Opus Dei, malgré la résistance des Jésuites (l'Oeuvre a même une opulente université à Piura, dans le nord du pays, et l'Archevêque de Lima est un disciple enthousiaste de Escrivà de Balaguer, fondateur de l'Opus).

Bref l'Eglise catholique est retournée à ses origines coloniales espagnoles, dans sa démarche comme dans sa doctrine. Les séminaires sont vides et les évangélistes, financés par leurs frères du Nord, ne cessent d'occuper le terrain abandonné.

Antoine Blanca

1-- Oscar Romero, issu d'une famille modeste (père postier, 7 enfants) fit une carrière ecclésiastiques brillante, pour devenir archevêque de San Salvador le 3 février 1977. Il se rangeait alors dans les rangs conservateurs, proches de l'Opus Dei. Mais l'assassinat par les escadrons de la mort de son ami Rutilio Grande et de deux autres prêtres jésuites le conduira à changer radicalement. Faute d'obtenir l'ouverture d'une véritable enquête sur ces meurtres, il refusera de participer à toute manifestation officielle. Son sort sera scellé quand, face aux incessantes exactions de l'armée il lance dans un sermon dans la Basilique du Sacré Coeur de San Salvador:"un soldat n'est pas obligé d'obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la respecter...Au nom de Dieu, je vous prie, je vous supplie, je vous l'ordonne, au nom de Dieu, arrêtez la répression!". C'était le 23 mars 1980. Le lendemain il était tué d'une balle dans la poitrine et mourait au pied de l'autel d'une chapelle d'hôpital, à la fin d'une homélie.
2--Avant d'être définitivement banni par Rome, Gustavo Gutierrez avait été relégué dans une petite paroisse de la banlieue de Lima.

Antoine Blanca

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  • : Blog politique dans le sens le plus étendu:l'auteur a une longue expérience diplomatique (ambassadeur de France à 4 reprises, il a aussi été le plus haut dirigeant de l'ONU après le S.G. En outre, depuis sa jeunesse il a été un socialiste actif et participé à la direction de son mouvement de jeunesse, du Parti et de la FGDS. Pendant plusieurs années il a été directeur de la rédaction de "Communes et régions de France et collaborateur bénévole de quotidiens et revues. Il met aujourd'hui son expér
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