15 mars 2012
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Le 19 mars 1962 furent signés les accords d'Evian entre Français et Algériens du GPRA. Un environnement tragique: le maire socialiste de la grande ville d'eau est assassiné par l'OAS, laquelle continue ses massacres et ses destructions à Alger et dans les grandes villes. Majoritairement les Pieds-Noirs, par conviction ou désespoir, appuient l'organisation terroriste. "On abandonnera un pays en ruines", disent leurs chefs.
Mais rien ne va arrêter la marche vers l'indépendance (5 juillet 62), ni la détermination de De Gaulle de tourner la page. Il préparait déjà sa tournée triomphale en Amérique latine et en Asie. L'Algérie était un boulet dont il fallait se libérer. Il savait son temps compté. Pour triompher dans le Tiers-Monde, il lui fallait se présenter en grand décolonisateur.
Les mois qui devaient précéder et suivre les accords du 19 mars allaient être chaotiques à l'extrême. Rien ne se passa selon les plans établis. Sur le terrain militaire, alors que les soldats français pliaient progressivement bagages, et que l'OAS lançait ses derniers feux meurtriers, les willayas (régions militaires de l'ALN), très affaiblies sur le terrain, recrutaient à tour de bras des résistants de la dernière heure. Malicieux, les Algériens les surnommaient "marsiens"(par allusion au mois de la signature des accords). Un bras de fer se dessinait qui pouvait déboucher sur la guerre civile. Si le président Youssef Ben Khedda, du GPRA, put faire symboliquement son entrée triomphale dans la capitale, lui et ses ministres disparurent vite dans l'anonymat. L'Algérie n'était pas gouvernée. Partout c'était l'épreuve de force entre régions militaires, l'improvisation, un début d'anarchie.
Un des chefs historiques, Ahmed Ben Bella, décida de remplir le vide qui s'était installé. Mais il lui fallait un bras armé. Tranquillement Boumédiène arriva. Comme Zorro. Un "Zorro"taiseux et taciturne, vierge de toute querelle politique, mais chef d'une véritable armée moderne, celle qu'il avait discrétement formée et équipée aux deux frontières (Tunisie, Maroc). Au début on l'appela Willaya VI. Militaires disciplinés, entraînés, avec leurs casques rutilants, leurs rangers bien cirés, leurs blindés légers, leurs jeeps, leurs camions et leurs talkies-walkies. A la fin du mois d'août 62, Boumédienne, sans dire un mot, avait mis tout le monde au pas.
Quand on regarde le chemin parcouru, depuis son adolescence, par ce fils de paysan pauvre de petite Kabylie, sa volonté d'étudier (en langue arabe) et de se former militairement, son habileté à faire valoir ses compétences et celle à transformer en une véritable armée classique ce qui ne devait être qu'une force supplétive, basée à l'étranger, destinée à ravitailler les maquis, on comprend ce que fut, depuis 1959, sa stratégie en vue de la prise totale du pouvoir. Sans le vouloir, les Français aidèrent ses desseins avec leur barrage électrifié aux frontières.
Il parvint à ses fins en juin 1965. Auparavant il avait agi dans l'ombre, laissant pendant près de trois ans le Présient Ahmed Ben Bella, hâbleur et pagailleux, épuiser le peuple de discours pompeux et de projets sans lendemain. Pendant plus de 13 ans, jusqu'à sa mort prématurée le 27 décembre 1978, Boumédiène gouverna en maître absolu de l'ANP, du FLN (parti unique), du gouvernement. Il choisit la voie socialiste en économie, nationalisa les hydro-carbures, devint l'un des 2 ou 3 grands leaders des non alignés. Il mourut officiellement à l'âge de 46 ans (mais sa date véritable de naissance oscille entre 1927 et 1932). Finalement il n'aura pas eu de successeur ayant sa dimension nationale et internationale.
Antoine Blanca
NB: l'insurrection commencée le 1er novembre 1954 fut lancée par le neuf membres du CRUA, Comité révolutionnaire d'unité et d'action (Aït Ahmed, Ben Bella, Krim Belkacem; Ben Boulaïd, Ben M'hidi,
Rabah Bitat, Boudiaf, Didouche Mourad et Mohamed Khider). Seuls Aït Ahmed et Ben Bella sont en vie. Rabah Bitat, le discret, est mort dans son lit. Ben Boulaïd, Ben M'hidi (le général Aussaresse
l'a fait pendre après l'avoir fait torturer), Didouche Mourad sont morts dans la lutte. Boudiaf fut assassiné alors qu'il venait d'assumer la Présidence après 30 ans d'exil. Khider (revolvérisé à
Madrid) et Krim Belkacem (étranglé avec sa cravate dans un petit hôtel de Francfort) ont été liquidés par "les services".