Il est naturel que, quand la gauche tient le gouvernail, les travailleurs, aujourd'hui trop souvent menacés dans leurs vies quotidiennes et familiales, soient durement exigeants à l'égard de ses représentants. Quitte le plus souvent à se montrer injustement agressifs. Nous avons vu ainsi le métalllo CFDT Edouard Martin, exténué par une veille interminable en défense de l'emploi , mais aussi d'une industrie et d'une région, donner libre cours à son émotion. On peut comprendre sa réaction. Mais, je le répète, les termes insultants qu'il a employés, ne se justifiaient pas. Encore moins ceux utilisés par des hommes politiques de gauche comme de droite agissant, eux, par simple calcul de bas étage.
Nous avons toutes les raisons du monde d'estimer que nos ministres, et d'abord le premier d'entre eux, livrent un combat tenace, intelligent, responsable. Ils déterminent leur action en fonction d'une situation d'ensemble et non le front collé au pare-brise d'une entreprise. La crise touche toute notre industrie et presque toute l'industrie européenne. Et, naturellement, va au-delà d'un site particulier, aussi emblématique soit-il devenu.
Ainsi M. Mittal est-il impliqué lourdement dans notre pays, nous le savons. Et le pouvoir doit éviter d'accentuer les polémiques inutiles qui amusent tant une partie de la presse. Ce n'est pas pour autant que nous avons de l'estime pour ce chevalier de grande industrie indien qui ne respecte ni la parole donnée, ni l'honneur. Mais il est puissant, dans un environnement européen et mondial qui lui est largement favorable. Il n'est qu'à lire la presse de son pays d'origine, tout comme celle de Francfort, de Londres ou de New-York.
Hollande le sait mais sa fonction l'oblige à une réserve particulière. Il l'a encore dit hier, avec solemnité : conscient
des difficultés, des enjeux, il continuera le combat avec toute la pugnacité requise. Et il tiendra tous ses engagements. On verra bien qui aura le dernier mot.
Il doit attendre, en retour, la manifestation claire de la solidarité de ses camarades. Les dires et médires de certains qui se prétendent plus à gauche que les autres sont, à notre sens, méprisables.
Mais la traduction la plus claire de l'embarras du monde du travail est, sans aucun doute, la stupéfiante discrétion des confédérations syndicales. Au point qu'elles ne sont plus mentionnés qu'au travers de leurs représentants d'entreprise*. Ainsi une partie de l'opinion pense-t-elle que le leader de la CFDT est celui d'Arcelor-Mittal Florange. Comme elle a longtemps cru que celui de la CGT était celui d'Aulnay.
Antoine Blanca
* Nous n'oublions pas qu'il y aura, avant la fin de l'année, changement de garde au sommet tant à la CGT qu'à la CFDT.