La guerre civile en Syrie et le désastre humanitaire qu'elle entraîne ne seront résolus par aucune conférence internationale. A moins que celle-ci n'aboutisse à donner satisfaction au pouvoir en place tout en garantissant les intérêts stratégiques de la Russie en Méditerranée. Tout le reste est littérature. En attendant le conflit a ouvert toutes les plaies, plus ou moins dissimulées jusqu'ici, dans la région. A présent ça saigne partout.
Au Liban les Sunnites ressucitent leurs milices à Tripoli face au Hezbollah chiite, véritable force militaire, surarmée et très expérimentée. Elle est désormais partie prenante des combats en Syrie, dans une région méditerranéenne que les Russes considèrent comme leur sanctuaire. Les catholiques maronites se contentent d'observer les mouvements. Jusqu'à présent ce sont toujours les sunnites qui ont procédé à des massacres de leurs frères syriens...En Irak la rebellion sunnite contre le gouvernement dirigé par un Chiite, autoritaire et corrompu, se concrétise par des attentats qui font des centaines de victimes chaque semaine. Toutes chiites.
Telle est la dure vérité. Deux ans sont passés depuis que les mouvements libertaires contre le régime policier impitoyable ont pu nous faire croire que la bataille de Damas opposait les gentils démocrates à l'insupportable tyrannie des Assad. Un observateur impartial vous le dira: la seule opposition organisée contre le régime baassiste a été celle des Frères musulmans. Sunnites fanatiques, longtemps militarisés, voulant depuis leur fondation appliquer une sorte de solution finale à la minorité alaouite* (et, en même temps à toutes les minorités). Cette Confrérie est aujourd'hui, dans sa totalité opérationnelle, contrôlée par Al Qaïda. Talibanisée d'une manière certaine.
Quand on parle de franchissement de ligne rouge à propos de l'utilisation d'armes chimiques, on aura du mal à démontrer quel groupe armé est exempt de tels crimes de guerre. Américains et autre Occidentaux ne pouvant intervenir directement, à quelle force pourraient-ils, d'ailleurs, livrer les armes lourdes promises du bout des lèvres? Côté opposition à Assad l'imbroglio est, en effet, total. Un prétendu Conseil National dont les membres ne sont d'accord sur à peu près rien doit être ignoré. Ce qu'a déjà fait la fantomatique Ligue arabe.
Hier, sur la chaîne franco-allemande ARTE, un évêque catholique, parlant français avec un accent germanique discret, plaidait en faveur des insurgés et niait la participation de troupes djihadistes dans le conflit. S'il ne mentait pas (un prélat ne saurait mentir comme chacun le sait), il ne disait pas la vérité. Il voulait surtout appeler à acheter son livre-témoignage. Un livre de plus. Ce n'est pas en vendant des bouquins ou en se voilant la face, que l'on mettra fin à l'embrasement de la région.
Le spectacle du plus ancien édifice musulman (VIIIe siècle) entièrement détruit sous les bombes m'a bouleversé. Il avait été construit par le 2e Califat, Omeyyade. Un trésor culturel victime de la barbarie de la guerre.
Antoine Blanca
NB: après la mort du prophète Mahomet, le Califat, incarné par un descendant du fondateur de l'Islam, devait interpréter le Coran et les 'hadith'(témoignages de compagnons du messager d'Allah). Le premier Califat s'installa à Damas et inaugura la dynastie omeyyade.
* les alaouites sont considérés comme proches des chiites; et les événements actuels ont encore rapproché les fidèles
des deux cultes. Les Assad sont de confession alaouite et accordent volontiers leur confiance, en priorité, à leurs frères en religion.