L'énormité du drame japonais a effacé la révolte libyenne de l'actualité. Il s'agit d'une simple constatation qui a sa propre logique. Il n'est pas dans mon intention de minimiser un événement pour surdimensionner un autre: ils sont de nature totalement différente et il serait indécent de les mettre en concurrence médiatique et politique.
Mais il est de notre devoir de rappeler la signification de ce qui se joue dans cette douloureuse et, sans doute, sanglante agonie de la rebellion libertaire contre le plus étrange des despotes.
En premier lieu, bien sûr, l'abandon par les démocraties d'une juste révolte nous révulse. Kadhafi a une conception moyennageuse de la répression. Et ce genre de tragédie ne sera pas forcément filmé. Les bourreaux libyens préfèrent le huis clos.
En second lieu on se doit d'imaginer quel est le sentiment de tous ceux et de toutes celles qui, dans les pays arabes, voulaient parvenir à une libération, au moins partielle, des esprits et des lois. La Tunisie et le Maroc ont ouvert un chemin qui a conduit, par exemple, le roi du Maroc et le régime algérien à donner quelques raisons, à leurs jeunes compatriotes, de ne pas désespérer totalement de l'avenir.
Mais à Bahrein la riposte monarchiste n'a pas tardé et dans tous les pays touchés par la vague de contestation, le pouvoir établi sait désormais que les révoltés actifs ou potentiels ne recevront aucun appui. Les derniers événements de Libye vont faire tache d'huile. Sans doute tache de sang. Et même dans les deux pays où le changement a triomphé, les nouveaux gouvernants vont devoir tenir compte du nouvel état d'esprit qui prévaut dans les démocraties occidentales.
Va-t-on permettre à Kadhafi de nous défier, de nouveau, avec sa richesse pétrolière? C'est une hypothèse inimaginable il y a dix jours et qui devient désormais tout à fait vraisemblable.
Antoine Blanca