J'ai grandi dans un pays majoritairement musulman, l'Algérie, et je n'avais jamais vu alors le problème des relations entre communautés se poser en termes de religion. C'était comme si l'esprit de tolérance s'était imposé naturellement. Sur ce point tout au moins, car toute généralisation serait malvenue.
Le drame que devait connaître plus tard le pays était de nature différente, conséquence, principalement, du
colonialisme et de sa forme spécifique dans une Algérie où les maîtres du jeu voulaient jeter les fondements d'une "colonie de peuplement".
Dans l'ancienne métropole les rapatriés de 62 découvrirent une autre forme de racisme, développée par les "anciens soldats appelés" et par leur famille. Mais là encore la pratique
religieuse n'intervenait pas en termes de discrimination.
C'est en fait avec les ambitions présidentielles de Sarkozy que le thème religieux est arrivé sur le devant de la scène politique et médiatique. Même si aujourd'hui le Président , prétend en rejeter l'idée, il a voulu introduire le communautarisme et ses divisions avec, notamment, la création d'un "Conseil supérieur du culte musulman". Ensuite cela a été l'escalade verbale. Avec les "racines chrétiennes" de la France, la multiplication de signes de croix présidentiels sous les projecteurs, les manipulations cyniques autour de la burqa( manifestation vestimentaire presque inexistente en France), menace potentielle de la montée en puissance de la religion de Mahomet...pour aboutir au psycho-drame de la prière du vendredi dans une rue de Paris pourtant fermée, pour la circonstance, à la circulation pendant une heure. C'est désormais le thème à la mode alors même qu'il n'est pas d'autre exemple en France de cette pratique.
Le Front National s'est vu encouragé dans sa campagne permanente contre la ménace d'invasion par métèques et mécréants. Celle de la France envahie, à l'image d'une rue du XIXe arrondissement...
Et toutes les bonnes âmes de poser la question de l'urgence qu'il y a de construire des lieux de culte
spécifiques pour l'importante minorité musulmane. Et toutes de découvrir simultanément l'atteinte que de tels projets représenteraient à la Loi de 1905. Donc au principe de laïcité de l'Etat.
(NB: il faut noter que toutes ces prétendues exigences présentées en leur nom n'émanent jamais des musulmans de France eux-mêmes).
Sans pouvoir aller très loin dans cet article, je voudrais rappeler, à propos des mosquées et de leurs inévitables (n'est-ce pas amis helvètes?) minarets, dans la religion mahométane la mosquéee n'est pas un lieu de culte obligatoire. Le musulman peut prier partout: dans l'arrière boutique d'un magasin, dans sa salle à manger familiale ou...dans la rue. La mosquée, n'est pas comme pour une église catholique, un lieu de culte consacré rituellement par le clergé habilité à le faire.
La mosquée, comme celle de Paris, est bien un centre utilisé pour la prière, mais c'est surtout un centre
culturel, où la communauté vient chercher des informations, organise des conférences et offre un enseignement du Coran aux enfants ou aux adultes intéressés. J'ajoute que l'Islam sunnite n'a pas
de clergé. L'imam, dont on parle tant (le sarkozysme se préccupe beaucoup désormais de "formation des imams"), doit veiller à la bonne tenue des locaux dont il est le gardien, joue parfois le
rôle de taleb pour instruire les enfants dans la connaissance des livres saints, et dirige la prière pour qu'il y ait harmonie dans les mouvements des fidèles. Il arrive aussi qu'il fasse le
"sermon" du vendredi, s'il n'a pas trouvé un "ouléma" plus qualiifié que lui pour le faire (notons qu'une communauté se passe, au fond, très bien d'imam).
L'Islam est une religion née du désert, simple comme ses paysages ôcres et arides, et les premiers fidèles priaient à côté de leur caravane, après avoir demandé l'heure au soleil, le corps tourné vers La Mecque. Mahomet mourut en 632, dix ans après avoir dû quitter la capitale pour se réfugier à Médine. Après sa mort, les textes sacrés furent beaucoup triturés sous des prétextes divers. Mais aucun ne mentionne une quelconque sacralisation de la mosquée dominée par son minaret. Tandis que le bédouin, seul proche des premiers croyants, continue de prier sur les sables du désert.
Antoine Blanca