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27 avril 2010 2 27 /04 /avril /2010 09:40

Manuel Noriega, qui va être jugé par la Justice française est représentatif de ce que la Garde nationale avait de plus trouble, de plus sordide.  Cette sorte de  garde coloniale avait été créée par les Etats-Unis pour aider Washington à veiller sur ses propres intérêts dans la zone stratégique du Canal de Panama.

Ce nouveau pensionnaire de nos établissements pénitentiaires, je le revois, me recevant dans son bureau de colonel, dans sa caserne.

A Ciudad de Panama. C'était en  1982, et j'effectuais ma première visite en ma qualité d'Ambassadeur intinérant pour les pays d'Amérique latine. Ses battle boots cirées de frais posées avec insolence sur la table, le voyou voulait montrer, aux deux subalternes qui m'introduisaient, qu'un diplomate français ne l'intimidait pas. J'abrégeais l'entrevue que je n'avais d'ailleurs sollicitée qu'à la demande de mes amis du PRD, le parti  membre de l'Internationale socialiste fondé par Omar Torrijos.

Ce dernier était mort quelques mois auparavant. L'avion qui le transportait s'était écrasé dans la jungle, pour des raisons jamais clairement déterminées. Le général de la Garde, force armée où il était le seul à porter des étoiles, avait marqué l'histoire en prenant le pouvoir pour exiger la libération, par les Nord-Américains, de la Zone qu'ils occupaient depuis le début du XXe siècle sur le sol de sa patrie. Des deux côtés du Canal, ils tenaient le terrain avec leurs belles villas  avec leur beau gazon et leurs piscines, leurs green de golf,  leurs écoles et leurs animaux de compagnie. De hauts grillages les protégeaient du contact des Panaméens du commun. Dans la Zone n'entraient que domestiques et personnel d'entretien.

Torrijos avait négocié avec Carter le départ des occupants et la souveraineté de son pays sur le Canal. A sa mort, il était devenu le premier héros national de Panama, nation née d'une sécession d'avec la Colombie. Sécession qui avait coïncidé avec l'ouverture de la grande voie d'eau internationale...

Je crois que Torrijos et moi étions amis. Même si je ne partageais pas son goût pour les longues veillées de débat et pour le whisky. Cet officier était devenu, par réflexion et par conviction, un progressiste qui avait aidé la victoire du sandinisme au Nicaragua (1979) et favorisé le détournement de l'embargo qui pénalisait Cuba. Il rêvait à une relation spéciale avec une France que dirigerait François Mitterrand.

Noriega, lui, avait été formé depuis son adolescence à servir la CIA. Parvenu au rang de colonel il devint le chef du 2e bureau et se mit à rêver à un destin supérieur. Pour avoir prétendu chausser plus grand que ses pieds, il se perdit. Autant ses maîtres formateurs étaient disposés à fermer les yeux sur ses petites (et moyennes) combines, autant ils n'étaient pas prêts à l'accepter comme grossiste dans les domaines du trafic de stupéfiants et dans celui de l'organisation du crime.

Il vient de passer vingt ans dans une prison fédérale américaine. Il avait, après son arrestation mouvementée, négocié son logement dans une cellule confortable. Et n'avait jamais raconté tout ce qu'il savait.

Fallait-il le déporter en France? La justice doit sans doute passer. Mais politiquement est-ce bien raisonnable?


Antoine Blanca

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  • : Le blog de Antoine Blanca
  • : Blog politique dans le sens le plus étendu:l'auteur a une longue expérience diplomatique (ambassadeur de France à 4 reprises, il a aussi été le plus haut dirigeant de l'ONU après le S.G. En outre, depuis sa jeunesse il a été un socialiste actif et participé à la direction de son mouvement de jeunesse, du Parti et de la FGDS. Pendant plusieurs années il a été directeur de la rédaction de "Communes et régions de France et collaborateur bénévole de quotidiens et revues. Il met aujourd'hui son expér
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