Je reçois des messages d'amis mexicains surpris par la démesure de l'accueil, tant médiatique qu'officiel, réservé à Florence Cassez à son retour au pays, après sa libération. Ils sont près d'y voir une mauvaise manière à l'égard de leur pays. En 2012 le président Sarkozy avait déjà annulé unilatéralement "l'année du Mexique en France" en préparation depuis des mois. Après tout, disent mes amis, il ne s'agit pas d'une héroïne nationale, victime d'un Etat tyrannique. Mais d'une condamnée de droit commun sans doute frappée par une erreur judiciaire. Dans les faits, ce qui est certain, c'est qu'un ministre de l'intérieur voulant plaire à son opinion publique, a organisé, à posteriori, la mise en scène télévisée de son arrestation grâce à une chaîne particulièrement complaisante(Televisa).
Inacceptable. Et le Tribunal Suprême, dont la composition avait changé avec l'installation d'un nouveau Chef de l'Etat, a
fini par reconnaître cette grave faute de procédure, et a fait libérer sans délai la malheureuse jeune femme qui venait de passer sept années en prison. Quelques heures plus tard, elle était
rapatriée.
Cela justifiait-il que toutes les chaînes d'info en continu interrompent tous leurs programmes, oublient tout le reste de
l'actualité nationale et internationale, même la plus brûlante; que notre ministre des affaires étrangères accueille la libérée à l'aéroport, que le Président la reçoive aussitôt à sa table? Son
prédécesseur, pour ne pas être en reste, invitant à son tour l'intéressée dès le lendemain...
Ne fait-on pas dans l'excès en agissant ainsi? Le Mexique dans son ensemble, frappé durement par l'industrie du crime, les gangs de la drogue, les kidnappings avec rançon, n'a pas vu les choses avec la même complaisance que le France. Obéissant à des réactions passionnelles qui traduisent leur désarroi, 80% des citoyens de ce pays de 110 millions d'habitants, le premier de langue espagnole, se sont dits offusqués par les conditions de cette libération.
Le déchaînement des passions est sans commune mesure avec l'événement lui-même. Il faudra beaucoup de patience et de doigté pour les appaiser. Et faire en sorte que les ralations franco-mexicaines retrouvent la sérénité.
De Gaulle et Mitterrand avaient consacré à Mexico leur première visite officielle aux Amériques latines. L'un et l'autre y avaient prononcé des discours qui se voulaient fondateurs d'une amitié exceptionnelle entre deux grands peuples. On était alors dans la grandeur...
Antoine Blanca