Le Président Hollande* a bien mesuré l'importance de l'événement. Il est le seul Chef d'Etat non africain présent à Addis
Abeba pour une célébration à la fois politique et festive. Festive car les plus grands artistes (danseurs, chanteurs, chorégraphes, compositeurs, scénaristes...) du continent seront de la partie.
L'organisation a cassé sa petite tire-lire pour l'occasion. Une petite fortune (1,27 millions), sans pour autant être une folie.
En mai 1963 naissait l'OUA avec ses 28 pays indépendants d'alors. C'était la grande époque de la décolonisation. Souvent
dans d'affreuses convulsions comme au Congo ex-belge, où le jeu impitoyable des grandes puissances, des gros intérêts miniers, coûtèrent la vie à un Secrétaire général de l'ONU et à cent mille
congolais. Parmi eux, le plus emblématique de ses leaders, Patrice Lumumba. Touchant d'idéalisme candide, enfant lion au milieu des hyènes.
Et puis il restait encore de nombreux pays à décoloniser (ceux qui étaient sous le joug du Portugal de Salazar, par exemple*). Et puis aussi il y avait le régime de l'apartheid à Camberra, celui, 'so british' de la Rhodésie (aujourd'hui Zimbabwe), la Namibie où les maîtres parlaient toujours avec l'accent allemand...
A Addis Abeba, en mai 2013, entre deux scénographies géantes, les hommes d'Etat échangeront entre eux. On l'espère, avec franchise, négligeant les traditionnelles palabres. On fera le compte des avancées, indiscutables. Mais ils se garderont surtout d'oublier les crises, grandes et petites. Et les atrocités qui les ont souvent accompagnées (Rwanda, le Kivu en République Démocratique du Congo, le sud du Soudan où un nouvel Etat ne finit pas d'émerger).
Personne ne songera à remettre en cause l'utilité de l'organisation continentale. Même si certains pays y croient plus que les autres. Et si on a dû trop souvent avouer son impuissance.
Le colonialisme est un héritage lourd à porter. Il est partout présent. Même s'il ne doit pas servir d'alibi à chaque occasion. Il n'est que de regarder une carte politique pour constater que les puissances colonisatrices ont tracé au cordeau les frontières de leurs possessions, séparant les royaumes centenaires et les ethnies, se moquant des langues et des civilisations. Les colonisateurs ont beaucoup pris (hommes pour le travail et pour leurs guerres, richesses du sol et du sous-sol). Et chichement donné.
Mais l'OUA, devenue UA, ne fait pas dans la nostalgie historique. Les Etats sont ce qu'ils sont et les peuples ont généralement fait leurs les nouvelles limites territoriales.
A Addis Abeba on fête aussi une victoire inachevée sur les vieux démons.
Antoine Blanca
* La présence du leader français raménera à la réalité de la menace du banditisme djihadiste sur l'Afrique sub-saharienne.
** Angola, Guinée Bissau, Cap Vert, Mozambique. Qui n'accédéront à l'indépendance qu'en 1975, après la Révolution des oeillets portugaise.
NB: si la Chine n'est représentée qu'au niveau d'un vice-Premier Ministre, il reste qu'elle est partout présente et active du Nord au Sud de
l'Afrique.